Auguste, un blanc contre les diables rouges 

 

Préface de Thierry Sabot

 

 

   Écrire la vie d'un ancêtre est une entreprise que plusieurs d'entre nous ont rêvé de réaliser. Beaucoup ont reculé devant l'énormité de la tâche... mais pas Pierrick Chuto. Avec ce second volume, il restitue avec passion le cadre de vie, les relations sociales et l'horizon mental de son grand-père : Auguste Chuto, propriétaire-cultivateur à Penhars, en Basse-Bretagne, mais surtout conférencier laïc et farouche opposant des ennemis de Dieu, les défenseurs de “l'école du diable”, dans les premières décennies du XXe siècle (1906-1924).

   Ici, le contexte historique est essentiel : c'est celui de la crise intérieure de la séparation des Églises et de l'État en 1905-1907 et de l'élaboration de relations nouvelles entre les pouvoirs spirituel et temporel. Dans ce climat de tensions, de manifestations parfois violentes, notamment à l'occasion des inventaires des biens d'église, alors que l'anticléricalisme anime les conversations et les stratégies politiques, l'Église fait figure d'accusée, souvent réduite à la défensive.

   Et l'un de ses plus fervents défenseurs n'est autre qu'Auguste Chuto dont la vie semble un modèle de dévouement à la cause religieuse. Ainsi, à l'occasion de conférences, au moment des élections locales, en véritable tribun, il harangue les fidèles et exprime avec fougue sa ferveur religieuse et sa volonté de défendre un ordre social que les progrès de la laïcité et du socialisme paraissent menacer sérieusement.

S'appuyant sur les documents d'archives publiques et privées (notamment la presse locale), tout le talent de Pierrick Chuto est de brosser le portrait d'Auguste avec nuances, sans parti pris ni jugement péremptoire, avec clarté et compréhension.

   Ainsi, sans jamais tomber dans le psychologisme, l'auteur parvient à restituer les aspirations visibles et souterraines de son grand-père : il apparaît à bien des égards comme une personnalité sociale représentative de son époque et de son milieu. Certes, Auguste ne devait pas être facile à vivre, mais n'est-ce pas là la marque d'un homme au caractère bien trempé ? Ses fréquents démêlés avec ses condisciples ou ses opposants républicains, radicaux ou socialistes aux élections locales ou au conseil municipal, laissent apparaître quelqu'un d'entier et d'obstiné.

   Par ailleurs, au fil de la lecture, comment ne pas être ému par le portrait en arrière-plan de l'épouse d'Auguste : la discrète Josèphe Thomas, handicapée à la suite de son premier accouchement ? Ce personnage, secondaire dans le récit, mais ô combien essentiel dans la vie d'Auguste, souffre des colères et des absences de son mari tout entier absorbé par son militantisme religieux. Sans doute Josèphe aurait-elle préféré une vie plus paisible à la ferme auprès de son mari et de ses enfants.

   Enfin, la guerre de 14-18, même si nous sommes loin du front, est bien présente par les courriers de leur fils René mobilisé comme infirmier dans une ambulance de campagne.

   Ces lignes sont une invitation à lire ce beau travail historique et généalogique, fruit de nombreuses lectures et de patientes et longues recherches. À l'instar des précédents ouvrages de Pierrick Chuto, Auguste, un blanc contre les diables rouges intéressera les généalogistes et les historiens locaux toujours curieux de mieux connaître la vie quotidienne et l'histoire politique, religieuse et sociale de la Basse-Bretagne.

Thierry Sabot, historien de formation, réside en Roannais sur les bords de Loire. Membre fondateur du magazine-web www.histoire-genealogie.com, passionné par la généalogie, il s’attache aujourd’hui à faire mieux connaître le quotidien de nos ancêtres, grâce à ses nombreuses publications (voir page 336) et sa gazette hebdomadaire sur le web.

 

découvrez à présent l'Introduction.


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