Après Le maître de Guengat et La terre aux sabots, Pierrick Chuto, auteur maintenant reconnu, passionné d’histoire et de généalogie, quitte aujourd’hui sa mémoire familiale pour se livrer à une véritable enquête autour des enfants trouvés de l’hospice de Quimper au XIXe siècle.

   À cette époque, on ne les trouvait plus par hasard au coin d’une rue ou sous le porche d’une église. Notre république, soucieuse du bien de ses enfants et, par certains côtés, sachant qu’il n’est de richesse que d’hommes, avait organisé un mode discret d’abandon, à savoir le tour, sorte de niche ouvrant sur l’extérieur de l’hospice dans laquelle on déposait l’enfant, un dispositif pivotant permettant au personnel de le recueillir à l’intérieur sans aucun contact physique ou visuel entre les uns et les autres. Nos services sociaux ont abandonné ce système depuis de nombreuses années, mais il reste encore en usage dans certains pays proches de la France.

   À partir des documents d’époque, se plaçant d’une certaine façon côté intérieur du tour, Pierrick Chuto a recherché et trouvé plus de trois mille six cents de ces enfants et les a en quelque sorte adoptés, s’attachant à faire connaître leur vie ou leur survie et ce qu’ils étaient devenus.

   L’époque était dure pour tous, mais pour certains plus que pour d’autres. L’attribution d’un nom de famille, souvent des plus fantaisistes, fait apparaître, au milieu de nos patronymes bretons, des curiosités qui ne peuvent qu’intriguer. Les généalogistes finistériens, sans l’aide desquels ce livre n’aurait pu être écrit, y trouveront l’explication de l’origine et des conditions de vie de leurs ancêtres, nés de parents inconnus.

   Mais ne nous trompons pas d’époque, tout cela n’a rien à voir avec l’aide sociale à l’enfance que nous connaissons aujourd’hui. La vie était dure, même pour les familles bien loties, la médecine n’avait pas encore fait les progrès auxquels nous sommes habitués. La mortalité des enfants en bas âge était telle que les familles la compensaient par une natalité importante qui permettait à quelques-uns d’arriver à l’âge adulte. De ce fait, les parents s’attachaient moins aux jeunes enfants et les confiaient souvent à des nourrices. Bien entendu, les familles les plus aisées, y compris dans les classes moyennes des commerçants et artisans des villes, confiaient leurs enfants aux meilleures nourrices (chez lesquelles la mortalité infantile était également très élevée). Rien d’étonnant donc, lorsqu’il s’agissait de placer des enfants abandonnés, à ce qu’il ne reste plus que des nourrices de second choix, obligées d’accepter le faible viatique que leur accordait l’administration, et de surcroît chargées elles-mêmes de nombreux enfants auxquels elles tendaient à accorder la priorité.

   Mais l’élan était donné et le sort de nos enfants abandonnés préoccupait bien nos concitoyens, ce qui a conduit peu à peu, sur la base de charité publique et de subventions, aux institutions que nous connaissons. Pierrick Chuto nous fait revivre ce développement au travers des destins de ceux qui se sont attachés à recueillir ces enfants et à améliorer leur sort, lors de ces diverses étapes :

-        d’abord, l’accueil, situation d’urgence : déclaration de la naissance en mairie, description détaillée de l’enfant et de ses vêtements devant permettre une éventuelle reprise par les parents revenus soit à de meilleurs sentiments, soit à une meilleure fortune.

-        ensuite le placement, car il fallait bien les nourrir et l’époque ne disposait pas du lait en poudre.

-        à douze ans, l’enfant pouvait commencer à apprendre un métier ou travailler pour participer à son entretien. Se posait alors la question de le laisser chez ses parents nourriciers ou de le rapatrier à l’hospice pour l’occuper à diverses tâches.

   Peu à peu, le système se structure. Certains s’inquiètent d’une mortalité infantile que nous jugeons ahurissante. La surveillance des nourrices avec les moyens de l’époque se met progressivement en place. Suit un meilleur contrôle des enfants que d’ailleurs on ne retrouve pas toujours là où ils avaient été placés.

   C’est toute cette évolution au cours du XIXe siècle que retrace Pierrick Chuto. Je le soupçonne d’ailleurs, d’avoir édulcoré certaines situations et de nous avoir évité la description de certains cas particulièrement douloureux pour ne pas horrifier nos cœurs sensibles, la réalité décrite étant suffisamment révélatrice des mœurs de l’époque.

Christian Bolzer

 

Christian Bolzer est président de l’antenne quimpéroise du Centre généalogique du Finistère (C.G.F.)

Outre des articles dans la revue du C.G.F. Le Lien et dans Manoirs et vieilles demeures en Cornouaille, il a publié avec Michel Bescou: Sauveteurs du Cap, Les Autret (Musée maritime du Cap-Sizun, 2010), Pilotes du Cap-Sizun (Gwalarn, 2012).

 

 

 

Le Centre Généalogique du Finistère (C.G.F.) regroupe 5800 membres dans ses trois antennes de Quimper, Brest et Morlaix.

Des bénévoles effectuent le dépouillement de nombreux registres paroissiaux et d’état civil. Les relevés sont accessibles dans les antennes par consultation sur ordinateur ou sur papier suivant les cas.

Plus de 8 millions d’actes de naissances, mariages et décès sont consultables par les adhérents sur Internet (Système Généabank). D’autres bases sont également mises à disposition des adhérents sur Internet (Bases Bagad permettant de faire des cousinages, bases des tutelles, curatelles, décrets de mariage et autres).

Un forum permet de nouer des contacts intéressants, de trouver de l’aide et des renseignements.

Le C.G.F. publie Le Lien, revue trimestrielle de qualité, dont les articles généalogiques et historiques sont écrits par des adhérents ou des érudits.

 

Site de l’association : http://www.cgf.asso.fr/



Association de Saint Alouarn Copyright © 2013. Tous droits réservés.

connexion