Pont L'Abbé- 23 Octobre 2018 -

 

Pierrick Chuto. Plobannalec-Lesconil en sept actes

 

Pierrick Chuto avait dit à son épouse que les livres, c’était fini. Mais c’était sans compter sur le journal de celui qui fut recteur de Plobannalec-Lesconil en pleine agitation au début du XXe siècle… De cette découverte et de cette lecture est sorti « Du reuz en Bigoudénie » que le Plomelino-Pont-l’Abbiste dédicacera à Lesconil, le 27 octobre

 

 

À la base, Pierrick Chuto pensait écrire un article pour la revue Cap Caval sur ce qui était devenu son sujet de prédilection, après deux ouvrages sur la question (*) : les Blancs et Rouges. Précisément sur Plobannalec-Lesconil, une commune « bicéphale » entre « paysans blancs » et « marins rouges », entre « pochoù gwiniz » et « pochoù krank », entre la fin du XIXe et le début du XXsiècle. Une commune dont il a découvert le côté très remuant de cette époque aux Archives départementale.

Mais « comme il ne sait pas faire court et n’aime pas être limité en nombre de signes », le Plomelinois qui a été, quarante ans durant, commerçant à Pont-l’Abbé, s’est lancé dans la rédaction d’un livre. « J’avais dit à ma femme que j’arrêtais, après celui sur mon grand-père », sourit le septuagénaire. Les coupures de presse de l’époque trouvées aux Archives départementales, couplées à la découverte et la lecture du journal de l’homme qui fut le recteur de la commune entre 1908 et 1946, ont fait office de détonateur.

 

 cochon

 

 

Un journal inédit, conservé par les autorités religieuses, un journal que le recteur ne souhaitait pas voir lu avant le cinquantième anniversaire de sa mort… « Les prêtres étaient tenus d’écrire un journal. Beaucoup de familles ont fait disparaître les journaux après leur mort car ils étaient beaucoup trop compromettants », relève Pierrick Chuto. C’est donc une sacrée pépite que le passionné a dénichée…

Christophe Jézégou était « un recteur au caractère dominateur, de cochon, on peut le dire, un homme qui écrivait tout ce qu’il pensait et qui critiquait beaucoup », relate Pierrick Chuto. Si l’homme a beaucoup fait pour la commune, avec les écoles libres de Plobannalec et de Lesconil, il était « un peu mégalo, aussi ». Pour preuves, les vitraux de l’église de Plobannalec-Lesconil réalisés après la Première Guerre mondiale. « Il s’y est fait représenter ! ».

 

Jezegou2

Sept chapitres

Si les écrits de Christophe Jézégou sont aussi intéressants pour Pierrick Chuto, c’est parce qu’ils démontrent l’état, l’esprit de la commune au début du XXe siècle. « Il était pratiquement en guerre contre Jules Deschennes, l’instituteur et secrétaire de mairie qui se prenait pour le maire mais aussi contre le pasteur gallois William Jenkyn Jones, arrivé en 1894 à Lesconil et qui y a créé un temple ». Lesconil, grâce au Gallois, « est devenu, un temps, le seul port de pêche où on ne buvait plus », raconte, malicieux, l’auteur de « Du reuz en Bigoudénie : Blancs de Plobannalec et Rouges de Lesconil, 1892-1938 ».

Le journal de Christophe Jézégou pour la commune bigoudène commence en 1907, « l’année où l’Interdit est mis sur la commune » et se termine en 1946. Pierrick Chuto a choisi de commencer l’histoire en 1892, avec le précédent recteur, René Guillou. Pour poser le décor. Et de s’arrêter en 1938, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. « Quitte à y revenir plus tard ! », sourit Pierrick Chuto.

Et celui qui fut dans le textile a réussi à faire dans la dentelle. Livrant un ouvrage de 146 pages, divisé en sept chapitres, qui aurait pu être un récit tragicomique si cela n’avait été l’Histoire. « Je raconte ce qui est public, appuie l’auteur. Je ne juge jamais et ne prends jamais parti ». Disponible dans plusieurs maisons de presse du Pays bigouden depuis la deuxième semaine d’octobre, l’ouvrage, édité à 330 exemplaires, est déjà, pratiquement, en rupture de stock. « J’en ai fait réimprimer ! ».

(*) « IIIe République et Taolennoù » (2016) et « Auguste, un blanc contre les diables rouges » (2017)


Pratique

« Du reuz en Bigoudénie : Blancs de Plobannalec et Rouges de Lesconil, 1892-1938 », de Pierrick Chuto, préfacé par Serge Duigou et postfacé par Bruno Jullien, 146 pages, 15 €. Disponible à l’Escale, à Lesconil, à la librairie Guillemot de Pont-l’Abbé et à la Maison de la presse, Plonéour Diffusion, de Plonéour-Lanvern. Dédicace le 27 octobre, de 10 h 30 à 12 h 30, à l’Escale. Pierrick Chuto animera également une conférence sur le sujet, le 25 novembre, à 16 h, à la médiathèque de Plobannalec-Lesconil.

 

 

 

Les cahiers de l’Iroise

Société d’études de Brest et du Léon

Numéro 228. Janvier, février, mars 2018

 

Dans la continuité de son précédent ouvrage, Pierrick Chuto retrace la deuxième partie de la vie de son grand-père, Auguste. La généalogie peut mener les plus ambitieux à s’intéresser au quotidien et au contexte historique de leurs ancêtres. L’exercice réalisé ici est un modèle du genre.

Profitant du retentissement médiatique dû à l’activité politique de son ancêtre, il exploite judicieusement, parmi de très nombreuses sources, les archives de la presse locale. La mise en vis-à-vis de deux points de vue radicalement opposés fait bien percevoir au lecteur le contexte émotionnel de l’époque, dont la violence n’est pas absente. C’est l’intérêt majeur de l’ouvrage d’en faire prendre conscience aux générations actuelles.

Sous la plume sans complaisance de son petit-fils, le combat du très croyant Auguste Chuto contre le radicalisme laïque tend parfois à se lire comme un roman d’aventures.

Il faut dire que les personnalités et les convictions des acteurs du canton semblent avoir abouti à une sorte de paroxysme conflictuel. Les recours au Conseil d’État furent nombreux et le recours à des pratiques politiques qui feraient scandale aujourd’hui ne fut pas rare. Mais la densité de l’écriture incite le lecteur à la retenue. Un travail de recherche remarquable et une restitution efficace donnent souvent le sentiment d’une information par phrase.

Nul n’est tenu de partager l’intérêt de Pierrick Chuto pour son grand-père. Mais son nouvel ouvrage mérite d’être lu par toute personne se mettant en tête d’évoquer, sans vraiment en connaître, la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, dans le cadre de débats actuels sur la laïcité.

Rémi de Kersauson


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